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(2004-2017) |
Neo Dubaï, Badr City North
Au soixantième, les baies de sécurité ouvrent leurs trappes et crachent des files de drones. Les sphères chutent quelques mètres puis se déplient et volent jusqu’à leur position, s'alignent sur le quadrillage : un maillage de détecteurs, d'incapaciteurs et d'explosifs contacts géré par l'IA domotique. Une armure pour la Tour, réactive, presque vivante. Les balles fusent dans le prolongement de ses mains, canons orientés par stimuli cérébraux. Les drones surgissent au centre de la visée et tombent avec des flashs blancs, ou bien s’entrechoquent et pètent en crépitant. L'essaim se fend, se redéploye aussitôt, forme une vague pour acculer l’intruse et la submerger. Ilhem plonge, cisaille, vire. Partout où son regard porte, des machines explosent. Le grésil noir des drones se densifie et la force à descendre jusqu'au trentième, la surplombe pour fondre sur elle. La guerrière se relève lentement, remet en place une mèche de cheveux échappés de son hijab. Blouson rouge sang, sarouel noir, chaussure de sport, Ilhem avance entre les fontaines de l'open space, derrière lesquelles le personnel a couru s’abriter. Elle tient un PM dans chacune de ses mains fleuries au henné. Les drones pénètrent à sa suite dans le bâtiment, poussés au travers de la baie éventrée par les rafales du khamsin, qui envoient tourbillonner les paperasses de l'étage. Ilhem bascule de l'encoignure et tire deux fois trois balles : six cartons. Elle balance quelque chose tout en se jetant au sol, roule sur le dos, dégomme le capteur de la porte qui se clôt en guillotine latérale. L'avant-garde des drones explose sous le choc tandis que la grenade souffle les Iblis de l'escalier ouest, dont les rafales erratiques carbonisent les mosaïques juste sur les talons de la guerrière. Des étages voisins les renforts accourent déjà. Trois pas d'élan – sol, table basse, épaule d'un robot –, saut périlleux pour esquiver les tirs croisés. Les douilles pleuvent, symétriques, des deux pistolets mitrailleurs, et les impacts pétillent sur la cuirasse du robot colossal, haut comme l’étage, doté de six bras aux extrémités mortelles et d'une queue télescopique. Inspiration profonde. Le robot frappe, comme un fouet qui se déplie en claquant. Appui main droite, appui pied gauche. Pirouette d’Ilhem qui s’envole, ouvre les bras. Les poignards tranchent l'air et la queue sectionnée s'abat lourdement en vomissant des étincelles. Elle accélère encore, zigzague, saute contre un mur et rebondit. Les décharges autour d'elle fracassent les mosaïques blanches, noires et turquoises, dont les abacules sautent des murs avec de minuscules projections de poussière. Ilhem danse au sein d’un tourbillon de dés de verre, de gouttes d'eau, d'étincelles. La fumée, lourde de suie, s’entortille autour d’elle en rubans. Ses mains débitent l’obscurité. Par le plancher transparent, Ilhem voit le champ de bataille étrécir sous elle, les explosions étouffées, les employés paniqués, les robots amputés ramper en cercles fous, l'Azrâ-îl prisonnier de commandes contradictoires.
Nouvelle par email du 24 juin 2018 dans l’univers musical de l’EP « Surrender » de King Doudou et calqué sur la progression musciale du track 2, Badman.
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